Pour ne rien vous cacher, quand je me suis couchée hier, j’étais nettement moins jouasse que quelques heures plus tôt. Mettez ça sur le compte de la prise de conscience sans doute, ou bien sur le fait que je regarde trop les sites d’info, je ne sais pas. Toujours est-il que j’ai senti poindre comme une légère angoisse vers 23h30. D’autant que je pensais au fait que je devais sortir aujourd’hui. Genre, j’allais braver la loi. Bref, je flippais.
Je flippais mais j’ai quand même réussi à dormir, plutôt bien au demeurant. Les nains commencent à se lever un peu plus tard (enfin, plus tard… 6h45 ce matin, c’est pas non pluuus…), et ce matin ils étaient de bonne humeur (mais ça, c’est parce que c’était mercredi et qu’il y avait pas de devoirs). On a donc fait les choses à la cool, j’ai pu avancer sur la combinaison de num2 (un peu), il y a eu des dessins, la pâte à pain à préparer, deux-trois appels à passer pour prendre des nouvelles, bref, la vie normale quoi.
Bon, à 11h30, il y a bien eu la visioconférence de num1 avec son instit, ce qui n’est pas précisément dans nos habitudes. Je vous raconte pas la cacophonie de 14 gamins en visio qui veulent tous parler en même temps. J’ai rapidement abandonné l’idée d’essayer de suivre ce que disait l’instit, je pigeais que dalle et j’ai décidé de faire reposer tous mes espoirs sur la capacité de num1 à me restituer pèle-mêle ce qui avait été dit. Rétrospectivement, je suis pas sure d’avoir fait le bon choix. Je suis même certaine d’avoir fait le mauvais, mais bon, freestyle experience represent, les conditions sont réunies pour se cacher derrière un bon vieux combo « on n’avait pas bien compris/la ligne était mauvaise ».
A midi le repas s’est passé sans encombre, on commence à prendre le rythme d’être 6 à table apparemment. Pas d’inondation, pas de brulure, pas de hurlement. On s’est fait chier quoi.
A 14h, il m’a fallut descendre donc, pour faire les paies des salariés de l’assos d’une part, et pour trouver des fruits et légumes frais, histoire qu’on ne se mette pas à bouffer des pâtes aux pois chiche dès le troisième jour (vous êtes alléchés, je le sens. Je partagerai ma recette une autre fois, promis). Croyez bien que quand j’ai posé mes fesses dans la voiture et que j’ai pris la route, je n’en menais pas large. Je vous jure, l’angoisse de me dire que si ça se trouve, c’est parce que j’aurais fait ce déplacement que dans 10 jours, une famille de 6 personnes va engorger les urgences de Villefranche m’a foutu les biquettes grave. En plus, J’avais en tête les images d’une file d’attente monstrueuse devant Carrefour Contact, de gens avec des masques sur la tronche, de flics à chaque coin de rue, bref, j’étais en plein épisode pilote d’une nouvelle série Netflix.
Ah ah, la bonne blague ! Des groupes de jeunes se baladaient dans le centre, profitant de ce que la rue leur appartenait. Pas de file d’attente devant les quelques magasins encore ouverts. Déçue j’étais. En revanche une chose est sure, notre petit supermarché est vide. Plus de laitages, de crémerie, de lardons/jambon, d’œufs, de pâtes/riz/purée, de PQ/sopalin. Et ba j’ai beau être optimiste, pour le coup, ça m’a fait tout bizarre quand même.
Pour être franche, j’ai, en ce troisième jour de confinement, des sentiments plutôt ambivalents sur la situation, et ça me laisse perplexe.
D’un côté, notre lieu de vie retiré au bout du monde (je n’exagère pas hein, ceux qui savent, savent) fait que l’on ne voit pas de différence avec la vie normale. Hormis le fait que Papa Génial travaille à la maison et qu’on soit donc tous les 6 en permanence ensemble (ce que je prend quand même pour une chance en l’état actuel des choses, et parce que je sais que ça n’est pas le cas de tout le monde), il n’y a pas moins de passage qu’avant (rapport au fait qu’avant, on voyait déjà passer 2 pauvres voitures dans la journée, et encore). Comme si tout ça se passait dans un autre espace temps que le notre.
De l’autre, les deux fois ou j’ai pris la voiture pour descendre en ville (enfin en ville… on se comprend), je me suis sentie comme dans un de ces films d’anticipation où toute trace de vie sur terre aurait disparue et où je serais la seule survivante. A peu de chose près. Une espèce de sensation de flottement, de dédoublement, comme si l’air vibrait étrangement. Un peu comme en été où la canicule fait trembler la surface des choses en pleine journée (promis, je n’ai encore rien picolé de la journée). Les 10 minutes de route m’ont donné l’impression de rejoindre un autre monde, une autre réalité.
En remplissant aujourd’hui mon attestation de déplacement dérogatoire (enfin, mes deux attestations, une pour l’assos, une pour la bouffe), et en marquant la date du jour, je me suis demandée combien de ces documents je devrais remplir avant que l’on récupère notre liberté de mouvement. Ça ne fait que trois jours et j’ai l’impression que ça fait un mois. Je prends lentement (trèèèèès lentement même) conscience que je ne pourrais pas boire un café avec une copine avant des semaines. Que je ne pourrais pas aller à Lyon, ni même au delà du village voisin éloigné de 8 km pendant des semaines. Je n’ose même pas emmener les enfants se promener dans les bois autours de chez nous de peur de croiser en gendarme qui nous collerait une prune (135 balles pour 2h de marche, ça fait chéro quand même).
Le retour à une vie normale va être à la fois merveilleux et étrange je suppose. Que va-t-on retenir des prochaines semaines ou des prochains mois ? Est-ce que les effets bénéfiques de tout ça perdureront au delà de l’été ? C’est un vrai saut dans l’inconnu que nous vivons là.
Ah, sinon, pour finir sur une note plus fun, num3 est venu me voir vers 18h pour me glisser à l’oreille que sa plus grande sœur serait un loup garou. Mais genre, un vrai de vrai. Mais un gentil quand même, elle ne la mordrait pas elle parce que c’est sa sœur quand même. J’ai souri. Elle est repartie en hurlant qu’elle allait faire des acrobaties dans le jardin. Je me suis dit chouette, j’ai très envie d’aller faire un tour aux urgences depuis quelques jours.
Bref, la vie suit son court à hauteur d’enfant. Et ça, quoi qu’on en dise, c’est hyper rassurant.
Merci. Bisous. Merci
Et pour ceux qui ont raté les épisodes précédents, je vous les mets là :
– Episode 1
– Episode 2
Au top! Merci pour la chronique du jour. 😘😘😘